dimanche 2 janvier 2011

Le point de non retour

Après ces deux premières semaines (voir article précédant) j'étais épuisé moralement, mais aussi physiquement. L'arrêt brusque des substances avaient provoqué chez moi une sorte d'insomnie persistante, je ne dormais pas plus de deux ou trois heures, je suis même resté éveillé plusieurs jours de suite sans trouver le sommeil.

Dans ces circonstances, si l'on ajoute la pression permanente des évaluations et des thérapies, il n'a fallu qu'un événement pour provoquer ce que tous les thérapeutes attendaient de moi. La rupture.

Un incident s'est produit: une personne particulièrement nerveuse dans le groupe à violemment pris a parti une fille déjà très affectée par ce qu'elle vivait dans le centre. Il n'y a heureusement pas eu d'agression physique, mais il s'en est fallu de peu. Le grand gaillard à pété les plombs et s'est pratiquement jeté sur la pauvre fille. S'en était assez. Mes nerfs ont lachés, je me suis très fortement impliqué dans les événements qui allaient suivre. Je ne pouvais tolérer que cet individu, que je considérais alors comme potentiellement dangereux puisse poursuivre sa thérapie au sein de notre groupe, sans qu'aucune sanction ne soit prise à son égard. Je suis allé voir la direction et j'ai exigé qu'il soit renvoyé, ou au minimum suspendu. On m'a répondu que rien d'irréparable n'avait été commis (avec le recul j'en conviens) et que ce membre du groupe continuerait sa thérapie, on lui attribuerait même une chambre pour lui seul.

J'avais craqué. J'étais hors de moi et j'en mettais la responsabilité sur le gars en question. (Mais c'était mal comprendre ce qui était en train de m'arriver). J'ai décidé à ce moment-là de quitter le centre. Je ne croyais plus en ce lieu qui pour moi avait été le théâtre d'une injustice. Je suis monté dans ma chambre et j'ai commencé à rassembler mes affaires. Alors que je bouclais ma valise un psychologue a frappé à ma porte et a tenté, en vain de me convaincre de rester. Mais la colère que j'avais en moi ne cessait de grandir. Elle n'avait manifestement plus rien à voir avec l'incident précité.

Moi, ma colère et ma valise sommes descendu et je suis allé sonner à la permanence afin de rendre les clés de ma chambre. On m'a répondu que c'était dommage, qu'ils avaient été avertis de ce qui s'était passé et qu'avant de pouvoir sortir je devrais signer une décharge, qui libérait l'établissement de toute responsabilité. Ca m'a paru normal. On m'a dit aussi que de cette manière je renonçais à mon rétablissement et que j'allais sortir d'ici autant malade que lorsque j'y suis entré. On m'a ensuite proposé de réfléchir une dernière fois, le temps d'une cigarette sur la terrasse avant de signer ce document. J'ai accepté, mais refusé que l'on m'accompagne. Ceci dit un stagiaire qui était là à ce moment précis m'a accompagné malgré tout. Ce qui suivra sera la clé de voute de ma "guérison".

J'avais accumulé non seulement pendant ces deux premières semaines, mais tout au long de ma carrière d'alcoolique, un tas incommensurable de frustrations, de sentiments d'injustices, de colères et tous ces mauvais sentiments, que j'avais pris soin de régulièrement balayer sous le tapis ou du moins filtrer à travers le prisme des différents produits psychotropes que j'avais l'habitude de me mettre derrière le plastron, tous ces sentiments négatifs enfouis pour certains de longue date, étaient sur le point de jaillir hors de moi comme si j'explosais.

J'ai fondu en larme, je me suis mis à crier, j'ai gueulé un tas de vielles peines que j'avais en moi sans discontinuer pendant 30 minutes, tout y est passé, la mort de mon père, toutes mes erreurs passées et une quantité d'autres choses. Je me vidais littéralement et plus je sortais tout ça, plus je me sentais léger, comme si les peines et les douleurs d'une vie entière s'envolaient par-dessus mes épaules. J'ai fini par me calmer, mais je pleurais encore, sans que je puisse le contrôler, je suis allé poser ma valise dans ma chambre et suis retourné avec les autres, qui devaient tous rédiger un texte sur l'agression qui avait eu lieu le matin, je me suis mis à écrire dans la continuité de ce qui était sorti et mes larmes intarissables se sont mêlées à mes lettres maladroites encore deux heures durant.

Mais j'étais en paix, quelque chose avait changé en moi, j'avais compris que quoi qu'il arrive, tout serait désormais différent. J'allais me soigner et changer de vie, j'allais me dresser contre mes propres souffrances et ne les laisserais plus jamais prendre le dessus sur ma vie.

Article suivant >>>

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire